Le débit d’étiage du Lez, Montpellier, et le chabot

Je m’interroge depuis longtemps sur le débit du Lez en été. Le contrat de l’exploitant de la source du Lez lui impose un débit « réservé » de 168 l/s en été. On rejette donc dans la rivière de l’eau pompée en profondeur, car sinon le Lez serait à sec, et le fameux chabot du Lez, notre fameux « vertébré endémique national », ne serait plus qu’un vague souvenir…

Mais avant qu’on exploite la source du Lez, quel était le débit d’étiage naturel? La question ne relève pas que d’une simple curiosité intellectuelle. Car si on voulait restaurer l’état biologique naturel du Lez, c’est ce débit là qu’il faudrait restituer en été. Or la source est exploitée depuis fort longtemps, au moins depuis la prolongation de l’aqueduc de Saint-Clément jusqu’à la source du Lez, au début du vingtième siècle. Le Lez n’a donc plus jamais son étiage naturel.

Depuis plusieurs années, je constate impuissant que le débit estival du Lez est parfois ridiculement faible… tout juste suffisant pour le maintenir en eau. Souvent, j’ai l’impression que les 168 l/s imposés par le contrat d’exploitation de la source ne sont pas vraiment respectés.

Dans une discussion informelle avec des amis, j’avais émis l’hypothèse que le débit d’étiage naturel du Lez serait beaucoup plus élevé : 500 l/s avais je lancé, au pif. Deux observations me faisaient oser ce pronostic : le chabot a survécu des millénaires, alors que des sécheresses exceptionnelles ont certainement du abaisser l’étiage à des valeurs très basses certaines années. Le chabot n’existerait plus s’il y avait des assecs mêmes rares. Cela a pour conséquence que l’étiage moyen doit être relativement élevé, pour que le Lez ne cesse jamais de couler. Mais surtout, nous avions fait une étrange découverte dans les parcelles du domaine de Restinclières, non loin de la confluence entre Lez et Lirou : une couche noire de débris végétaux parfaitement reconnaissables existe sous 3 m de limons. Ces débris ont probablement plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’années. Ils témoignent de la permanence d’une nappe alluviale stable, seule garante d’une anoxie, absence d’oxygène, qui préserve les tissus. Or c’est la rivière qui alimente la nappe en été. Aujourd’hui, avec le débit réservé de 168 l/s, cette couche noire est régulièrement dénoyée, et donc s’oxyde rapidement. Avant l’exploitation de la source, elle restait toujours noyée. On peut donc faire l’hypothèse que le débit d’étiage naturel, par le passé, était nettement supérieur.

Ma réflexion n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd, mais d’un hydrogéologue réputé, fin connaisseur du karst du Lez, sur lequel il a fait sa thèse il y a de nombreuses années. Sceptique sur mon estimation, il m’a recontacté récemment. Après avoir repris ses calculs et ses simulations de fonctionnement du karst du Lez, il arrive à la conclusion… que le débit d’étiage naturel du Lez est effectivement supérieur à 500 l/s.

Voilà qui éclaire d’une lumière différente le débat sur le débit réservé du Lez… Avec 500 l/s tout l’été, le Lez serait une rivière bien différente…  Il faudra s’en souvenir lors de la négociation du renouvellement du contrat d’exploitation de la source du lez, en 2014!

 

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